PSYCHOLOGIE
Des expériences extracorporelles
au laboratoire
NOUVELOBS.COM 24.08.2007 12:06
D’où vient la conscience que nous avons de notre propre corps,
intimement liée à la conscience de soi ? Pour mieux comprendre
ces questions fondamentales, des chercheurs essaient de
reproduire les expériences extracorporelles.
Ehrsson touche un participant à un endroit qu'il ne voit pas tout en
projetant dans les lunettes vidéo l'image de l'objet touchant le corps.
(Henrik Ehrsson).
Comment, en laboratoire, amener des volontaires à ‘’sortir de leur
corps’’, sans leur donner de stupéfiants ou déclencher une crise
d’épilepsie ? Deux expériences menées indépendamment, en Suisse
et en Suède, apportent une solution. Grâce à la réalité virtuelle,
il est possible de montrer à un quelqu’un son propre corps et de
créer une confusion sur sa localisation réelle, autrement dit de
perturber la conscience de son propre corps, expliquent deux
articles publiés aujourd’hui dans la revue Science.
Longtemps confinées à la littérature fantastique ou au cercle
du paranormal, les expériences extracorporelles ont intrigué
les chercheurs en neurosciences. Un dysfonctionnement cérébral,
lié à une attaque ou à la prise de drogues, provoque chez
certaines personnes l’impression de voir leur propre corps
sans faire partie de ce corps, tout en étant éveillées et
conscientes. L’unité entre le corps et le ‘’soi’’ est rompue.
En étudiant ces situations exceptionnelles, les scientifiques
cherchent à comprendre les bases neurobiologiques de la
conscience de soi.
Henrik Ehrsson (Institut Karolinska, Suède) et l’équipe d’Olaf
Blanke (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Suisse) ont,
chacun de leur côté, utilisé des lunettes vidéo pour projeter
devant les yeux des volontaires l’image de leur propre corps vu
de derrière. Pour créer une confusion, les chercheurs ont touché
les personnes dans le dos, par exemple, puis les ont interrogées
sur leurs sensations. Lorsque le toucher réel était synchronisé
avec l’image de l’objet en train de toucher leur corps, les
personnes imputaient la sensation à l’objet qu’elles voyaient.
Cela signifie que la localisation du soi n’est plus strictement
dans les limites du corps, expliquent les chercheurs.
Lorsque l’image projetée n’était plus leur propre corps mais
la simple représentation d’un corps ou un objet, les volontaires
ne ressentaient pas la même dissociation, relate Blanke et ses
collègues.
Les sensations obtenues en laboratoire ne sont pas aussi fortes
que les expériences extracorporelles réelles. Certains participants
ont jugé l’expérience étrange, bizarre, voire dérangeante, mais
aucun n’a eu la sensation de totalement sortir de son corps,
explique Olaf Blanke. Quoi qu’il en soit, la réalité virtuelle
combinée au toucher crée des perturbations sensorielles et offrent
aux chercheurs de nouvelles possibilités pour étudier la conscience
que chacun a de son corps.
Pour Henrik Ehrsson, la vision est essentielle à cette conscience :
nous situons notre ‘’moi’’ là où est notre regard,estime ce chercheur.
«Video ergo sum» (je vois donc je suis) résument Blanke et ses
coauteurs dans le titre de leur article.
Cécile Dumas
Sciences et Avenir.com
(23/08/07)
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