terça-feira, dezembro 04, 2007

Arte Contemporânea



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Une querelle paradoxale

Cette crise de l'art contemporain est, en fait,
à plusieurs titres, paradoxale. Son déclenche-
ment est inattendu et pour le moins tardif.
Après le cubisme, l'abstraction, les avant-gardes,
le pop art, le minimalisme, l'art brut, les happe-
nings, les installations, etc., on pouvait croire le
monde artistique blasé par la succession effrénée
des provocations. Les fameux ready-made, tels la
roue de bicyclette, le porte-bouteilles, la pelle à
neige, l'urinoir, promus par Marcel Duchamp
«à la dignité d'objets d'art», n'étaient-ils pas
censés avoir immunisé la sphere artistique
contre tout type de fievre intempestive? Une
telle dispute sur des critères esthétiques décla-
rés obsoletes depuis tant de décennies ne revêt-
elle pas un aspect anachronique au regard des
bouleversements intervenus dans l'art occiden-
tal depuis l'impressionnisme?
Un autre paradoxe réside dans la nature
même d'un débat portant sur une question sus-
ceptible, a priori, d'intéresser - nous l'avons
dit - le public non spécialisé. Nous revien-
drons plus loin sur les péripéties et sur les
enjeux de la crise mais notons, dês à présent,
quelques étrangetés. Les controverses sur l'art
contemporain ont lieu en l'absence des artistes,
parfois directement concernés. Leurs oeuvres
proprement dites sont rarement citées et encore
moins analysées. Les protagonistes se limitent à
quelques critiques d'art. à des commissaires
d'exposition et à des historiens d'art français
qui ferraillent - verbalement! - au sujet de
Ia situation de l'art contemporain en France.
Celle-ci, il est vrai, n'est guère brillante. À
l'époque, on note avec amertume que le musée
Guggenheim de Bilbao ouvre grand ses portes
à de nombreux artistes de réputation interna-
tionale et se contente de réserver la portion
congrue aux créateurs français.
Comment comprendre ces paradoxes? L 'his-
toire de l'art occidental n'est-elle pas jalonnée
par des disputes incessantes et des querelles
récurrentes dont les plaies mal refermées
influent encore sur notre perception et sur
notre compréhension des formes de créations
actuelles? En quoi la querelle d'aujourd'hui
est-elle différente des précédentes?
Étymologiquement, une querelle signifie
«plainte en justice ». On imagine fort bien, au
temps jadis, le procès que les juges garants du
beau, de l'harmonie et de la ressemblance pou-
vaient intenter contre des oeuvres considérées
comme scandaleuses ou hérétiques. Mais quel
tribunal serait censé, de nos jours, recevoir les
plaignants, sinon celui de l'histoire, autrement
dit du temps qui choisit inéluctablement, et
presque infailliblement, entre les oeuvres inou-
bliables et celles dont il convient de ne pas se
souvenir? Et s'il fallait aujourd'hui faire un bilan,
certes provisoire, on constaterait probablement
que les oeuvres ont toujours été gagnantes, du
moins celles qui ont échappé aux oubliettes de
l'histoire. On verrait aussi que l'art a toujours su
affirmer la liberté de création contre toutes les
formes de coercitions, de dogmes, de conven-
tions, de traditions, de tutelles diverses, reli-
gieuses, politiques, idéologiques, économiques
qui, en permanence, s'opposent à la volonté de
transformer le monde, ou du moins la vision
qu'on a de lui.
Est-ce bien ce raisonnement que l'on peut
tenir aujourd'hui? Rien n'est moins sur.
On connait des querelles célebres: celle de
la mimèsis, récurrente depuis l'Antiquité - pour
ou contre l'imitation et le trompe-l'oeil - la
querelle opposant la Contre-Réforme à l'icono-
clastie luthérienne et calviniste, réédition déjà
"moderne" des querelles byzantines. On se sou-
vient de la querelle des Anciens et des Modernes,
sur fond de stratégie politique, de la querelle
du coloris contre le dessin, avec en arrière-plan
l'ébranlement du rationalisme cartésien, la
querelle des Bouffons - faut-il vraiment choi-
sir entre la France et l'Italie? demandait Vol-
taire -, etc.
Toutefois, la modernité modifie profondé-
ment le sens des affrontements. L' expulsion de
la tradition devient de plus en plus radicale et le
rejet de l'«ancien» s' effectue de façon beaucoup
plus systématique. L'expérience du nouveau
infiltre tous les aspects de la vie quotidienne.
Elle transforme la représentation de la «vie
moderne» avant même que celle-ci ne donne
lieu à des réalisations concretes. Dès le premier
tiers du XIXe siècle, le philosophe Hegel pres-
sent l'émergence de l'art moderne alors qu'il
n'a sous les yeux et dans les oreilles aucun
exemple de «modernité» artistique. Critique
acerbe et avisé, et sans illusion sur l'avenir, Bau-
delaire se fait néanmoins, à l'aube de Ia révolu-
tion industrielle, le chantre de la modernité.
Transgressions, scandales, provocations se suc-
cedent"à un rythme rapide et sapent peu à peu
l'autorité, certes déclinante, mais encore bien
affirmée jusqu 'à la fin du siècle, de l'académisme
et du conservatisme. Au seuil du XX siècle, le
cri de Gauguin exprime fort justement l'en-
thousiasme d 'une génération qui, en quelques
décennies, s'apprête à passer du néo-classicisme
à l'abstraction: «Voilà une lutte de quinze ans
qui arrive à nous libérer de l'École, de tout ce
fatras de recettes hors desquelles il n 'y avait
point de salut, d'honneur, d'argent. Dessin,
couleur, composition, sincérité devant la nature,
que sais-je : hier encore, quelques mathémati-
ciens nous imposaient (découvertes de Charles
Henri) des lumières, des couleurs immuables.
Le danger est passé. Oui nous sommes libres! »
Cependant, hormis quelques «accidents»
célebres au retentissement tardif et prolongé
- tels le ready-made duchampien et le Carré blanc
sur fond blanc de Malevitch (1918), ou bien l'Oi-
seau dans l'espace (1923) du sculpteur Brancusi,
considéré non comme une oeuvre d'art mais
comme un objet utilitaire par les douaniers
new-yorkais -, cette liberté n' outrepasse que
temporairement les frontières de l'art. Elle
oblige surtout les institutions, y compris à l'apo-
gée des mouvements d'avant-garde pendant
l'entre-deux-guerres, à en reculer les limites.
Ces institutions, ainsi que le monde de l'art,
finissent le plus souvent, bon gré mal gré, par
accepter et intégrer ces débordements. Et il en
va de même du public qui, au bout d'un temps
plus ou moins long, assimile, voire encense des
reuvres ignorées ou rejetées au temps de leur
création.
Sachant que l'élargissement du cadre institu-
tionnel et l'expansion continue de la sphere
artistique sont des traits spécifiques à l'art occi-
dental, peut-on considérer que l'art contempo-
rain répond à ce processus? Il ne le semble pas
tant la querelle de l'art dit «contemporain»
apparait d 'une tout autre nature que celle des
disputes et des controverses du passé.
La crise des beaux-arts traditionnels - qui
commence dès l'impressionnisme -, la nais-
sance de l'abstraction, les avant-gardes, l'irrup-
tion d' objets industrialisés dans le champ
artistique, en bref, la modernité, rendent
compte imparfaitement du malaise actuel.
Contrairement à une idée reçue, l'art modeme
n'explique pas l'art contemporain. Pouir le dire
autrement on ne peut souscrire à la thèse,
maintes fois reprise dans les controverses
récentes, qui établit une relation de cause à
effet entre les bouleversements provoqués par
la modemité et la prétendue déliquescence de
la création artistique depuis une trentaine
d'années.
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Jeffrey Shaw
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Wang Du
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